Il y a quelques mois je me suis offert un e-reader sony (PRS-650). Je voyage toutes les semaines ou presque en train et, constatant que j’avais toujours au minimum 4 livres dans mon sac, j’espérais pouvoir me décharger un peu. Après quelques mois d’utilisation j’ai un avis très partagé.

Ce n’est pas à cause du lecteur, qui est très bien. L’e-ink est une technologie formidable. Cela consomme très peu d’énergie, une charge du livre me donne 3 ou 4 semaines sans recharge. Pour tout dire, je n’ai jamais réussi à aller au bout de la batterie sans brancher mon appareil - comme il ne dispose pas de wi-fi, pour mettre à jour le contenu, je dois le brancher à mon PC, ce que je fais régulièrement, donc je n’ai jamais eu aucun problème d’autonomie.

Les formats

Le format “natif” (en tout cas celui qui est le plus supportable pour ce lecteur) est le format E-PUB. Les fichiers E-PUB sont de simple fichiers XML qui contiennent quelques données de formatage (feuilles de styles, spécification des polices, etc) mais ne sont pas paginés.

Les formats qui présupposent la taille de la page à afficher (en particulier le PDF) ne sont pas du tout adaptés. On doit faire des contorsions assez incroyables pour obtenir un résultat lisible quand on essaye de lire un PDF. Par exemple, il faut passer la liseuse en mode paysage (toute l’ergonomie du dispositif est chamboulée dans ce mode) pour pouvoir afficher au maximum 1/3 de la page. Comme le lecteur n’est pas un foudre de guerre, le déplacement dans la page est au mieux insupportable. Je n’arrive pas à lire de PDF avec ma liseuse, bien qu’elle soit tamponnée Adobe Reader machin. Je suppose que chez sony, ils n’ont même pas essayé de finir un livre en PDF avec leur liseuse.

Un seul conseil: oubliez les PDF là-dessus. Les papiers interessants avec des graphiques ? oubliez. Les livres techniques en pdf ? oubliez, ou alors juste comme ça en référence (j’ai ma copie de “High Performance MySQL” dessus et il m’arrive de m’y référer, mais c’est proche du calvaire)

Calibre

Un outil indispensable avec ce genre d’appareil: calibre. Ce logiciel permet d’organiser sa collection de livre, et surtout, de récupérer des flux de news, de les transformer en format E-PUB avant de les envoyer sur la liseuse. On peut ainsi avoir le monde, libé, mediapart (si on est abonné), sous la main quand on veut. Cela fonctionne merveilleusement bien, à part quelques problèmes (liens morts surtout) dus à la conversion et au scripts qui crawlent.

Calibre permet aussi de faire des conversion (au hasard, PDF vers EPUB), mais je n’ai jamais obtenu de résultat qui me satisfasse.

Instapaper + Calibre FTW

J’ai découvert récemment que Instapaper fournissait un flux RSS des pages qu’on ajoutait à son compte ! comme calibre peut s’abonner à n’importe quel flux RSS et le convertir afin de le pousser sur la liseuse, c’est génial. Il suffit d’ajouter “une source personnalisée de news” et de la paramétrer avec l’adresse du flux de votre compte instapaper.

J’envoie souvent les longs articles sur lesquels je tombe (le post-mortem du crash AWS de la semaine dernière par exemple) et que je n’ai pas le temps de lire tout de suite, et dès que je connecte ma liseuse ils sont envoyés automatiquement.

Le plus gros probleme du livre electronique: les editeurs et les auteurs

On en vient au vrai problème du livre électronique, quel que soit le fabricant.

Quand on a un livre electronique, on le reçoit souvent avec beaucoup de contenu gratuit - quand j’ai acheté le mien, la carte SD était farcie de livres gratuits provenant de Feedbooks - au demeurant très bien faits - mais interessants uniquement si on est passionné de littérature publiée avant 1930. J’aime beaucoup Zola, Dostoievsky, Conan Doyle, Zadig et Voltaire (hin hin hin hin) mais … bref.

Assez rapidement, on cherche à se procurer des nouveautés. Et là on déchante. A part chez les éditeurs spécialisés “informatique”, l’offre de livres numériques est misérable, et je pèse mes mots.

Premièrement, voyant le succès extraordinaire qu’ont obtenu les éditeur de musique en mettant des MTP (DRMs) sur tout leur contenu, les éditeurs (je pense surtout aux “gros”) n’ont rien trouvé de mieux que de farcir les leurs avec des saloperies privatrices de droits qui les rendent complétement inutilisables. Korben a très bien expliqué le problème. On se retrouve avec un truc moins pratique qu’un livre en papier, avec lequel on peut faire moins qu’avec un livre en papier (préter, donner, etc …), et qu’on paye plus cher en plus ??!! Je reprends le slogan de Korben. Allez tous vous faire fnoutre !

Deuxièmement, l’offre est anémique. On pourrait imaginer qu’aujourd’hui la plupart des livres sont créés sur un ordinateur, qu’au long de toute la chaîne d’édition, un format numérique est utilisé, et qu’il semblerait facile d’en tirer un E-PUB à un moment et de le mettre à disposition des gens - comme moi - qui voudraient les acheter - en avant-première ? plus cher que les autres qui l’auront après ? peut-être même qu’ils pourraient participer à la relecture ? participer à la création avec leur auteur préféré ? des trucs de malades, pour lesquels ils seraient certainement prêts à payer un peu plus que les autres.

Ben non. Même pas. Petite expérience, faites une recherche de votre auteur préféré (en ce moment je suis très polars “nordique”, Nesbö, Indriansson, … l’expérience est assez amusante sur fnac et amazon)

Troisièmement. Le prix. A notre époque, vendre le livre numérique au même prix qu’un roman broché c’est complétement débile ! au prix d’un format poche, ça serait peut-être interessant, mais quand même ! quelques centimes sous le prix du fromat broché ?! arrêtez de nous prendre pour des moules !

Le résultat, c’est que je n’ai pas acheté un seul livre numérique en bientôt 6 mois, que je me contente de m’en servir pour lire des articles glanés sur le web. Je continue à acheter des livres en papier et à me péter le dos. Ayant entendu les éditeurs et les auteurs discuter du livre numérique dans “Place de la toile” sur France Culture il y a quelques temps, avec des ministres comme Frédéric Mitterrand qui sont complètement à l’ouest, j’ai très peu d’espoir que quoi que ce soit se passe. Avec une telle capacité d’innovation, on n’est pas rendus.

Les gens iront au plus pratique, “pirateront” les livres et bien entendu les auteurs et les éditeurs en pâtiront. Evidemment, on blamera le méchant Internet, les “pirates”,  les moteurs de recherche qui les indexeront, on fera des lois pour “sauver le livre”, mais au fond, ce sera une nouvelle histoire de moines copistes qui se battent contre l’imprimerie.

Pour l’instant, à cause de tous ces gros cons, je déconseille vivement d’acheter une liseuse, mais je serai parmi les premiers abonnés du spotify pour livres electroniques qui va forcément voir le jour bientôt ! je l’attends avec la même impatience que celle que j’éprouve à l’idée de pouvoir me servir normalement du modem de mon téléphone 3G hyper moderne mais bridé par le truchement des opérateurs téléphonique …